mercredi 30 juillet 2014

La France en Asie du Sud-Est - Du constat aux propositons, et bientôt à l'action ?

Quand un rapport parlementaire, en plus d'un constat fort précis, fait des propositions (à 1ère vue, pas entièrement farfelues et plutôt pragmatiques), cela est à relever...

Un récent rapport d'information rédigé par 4 parlementaires de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat s'est intéressé aux moyens de concrétiser à court et moyen-terme, et à moindres frais, un début de retour de la France en Asie du Sud-Est (c'est à dire hors des 3 focales françaises en Asie que sont : l'Inde, le Japon et la Chine).
 
 
Ce rapport s'inscrit dans le cadre de cette "diplomatie parlementaire", qui mériterait tant d'être développée en France comme levier supplémentaire d'influence, ainsi que devrait le rappeler le rapport sur "Le dispositif de soutien aux exportations d'armement" de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée Nationale, dont la sortie est attendue pour la rentrée.

Le constat de base des parlementaires n'est pas si éloigné - pour la partie sécurité et défense - de celui défini ici-même (avec Le Fauteuil de Colbert) à partir de l'exemple du super-typhon aux Philippines : une volonté française certaine en termes d'ambition qu'il faut aujourd'hui concrétiser dans les faits et rendre visible, afin de convaincre nos partenaires, parfois demandeurs de notre implication.
En termes de signes tangibles de cette volonté, un premier effort avait été fait il y a quelques mois via la publication - bien que peu reprise à l'échelle internationale -  d'un guide didactique (en Français / en Anglais) permettant de faire savoir ce qui était fait par la France dans cette zone et de dresser déjà quelques pistes d'amélioration.

Allant plus loin, ce rapport propose 3 priorités (hiérarchisées et incluant des choix, prenant donc en compte les moyens disponibles) et dresse "une feuille de route" sur 2 ans pour relancer la relation entre la France et l'Asie du Sud-Est, région qui ne fait pas partie "des régions d'héritage" pour la France mais qui est selon les rapporteurs "une région d'avenir" à investir, à la hauteur de nos moyens :
  • Définir une stratégie de haut niveau, s'appuyant sur 3 états-pivot (Malaisie, Indonésie, Singapour), ce choix de pays, bien que discutable, ayant le mérite d'être déjà une base de discussions ;
  • Faire de la diplomatie économique le fer de lance de ce pivot (infrastructures de différents types, économie verte et économie bleue, en plus de l'armement) ;
  • S'engager pour la sécurité (notamment via un axe clé identifié par tous : la sécurité maritime ou la libre circulation maritime) en élargissant les efforts de coopération et en y maintenant, autant que possible, des moyens militaires.
Dans le domaine de la sécurité et de la défense principalement, mais aussi dans celui du commerce, les sénateurs font pas moins de 19 propositions (bien que certaines soient plus des objectifs à atteindre que des moyens de concrétiser les priorités préalablement citées).
 
Parmi tous celles énoncées, nous relèverons celles consacrées à  :
  • la coopération (sujet cher à ce ce blog, cf. ici et ), dont les faiblesses dans la zone, avec seulement 9 coopérants (la DCSD connaissant hélas une réduction année après année de ses moyens) sont d'autant plus frustrantes que nos partenaires sont demandeurs d'actions françaises. C'est le cas pour l'envoi, au minimum,  d'un professeur de français en Indonésie et pour la continuité / le renforcement de la formation de la sous-marinade en Malaisie, en plus de poursuivre des liens qui existent déjà (comme la présence d'aviateurs singapouriens sur la base aérienne de Cazaux jusqu'au moins en 2035 pour de la formation initiale) ;
  • les trop peu nombreux postes à forte valeur ajoutée d'officiers (ou diplomates) insérés dans certains organismes régionaux que cela soit au centre de partage d'informations maritimes (IFC) de Singapour depuis 2009, ou, au rang des actions à faire, en misant sur un investissement plus fort dans l'ASEAN (organisation plutôt à vocation commerciale, qui pourrait, à terme et petit à petit, s'emparer de la question de la sécurité collective). Cela passerait par une demande de participation à l'ADMM+ (ASEAN Defence ministers meeting) à crédibiliser, via, par exemple, une adhésion à ReCAAP, pour la lutte anti-piraterie, bloquée pour un bien pénible "détail" juridique et administratif de traduction en Français de l'accord ;
  • la nécessité de montrer le drapeau, notamment via "le meilleur des ambassadeurs", la Marine nationale (mais aussi avec les autres armées, et le rapport semble un peu vite l'ignorer, sans vouloir relancer une dispute interarmées inutile...), qui bien que disposant de 6 navires dans la zone (2 à la Réunion, 2 dans les Antilles, 1 en Nouvelle-Calédonie et 1 dans le Pacifique), est un peu courte sur pattes du fait des élongations à couvrir (avec un temps de transit de 15 à 20 jours depuis Nouméa ou Papeete) et du type de navires présents. 6 escales ont été réalisées dans la zone en 2012, et 13 en 2013, les futures "restrictions temporaires de capacités" (doux euphémisme...) à venir pouvant réduire encore ce niveau déjà bas, tout en ne renforçant pas la présence de navires (vitrine potentielle à l'export) de 1er rang (SNA, BPC, FREMM, etc.) déjà bien sollicités ailleurs.

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